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Mme la présidente : La parole est à monsieur Bernard Pousset, pour exposer sa question.
M. Bernard Pousset : Monsieur le secrétaire d'État aux transports et à la mer, je veux appeler l'attention du Gouvernement sur la décision de fermeture de la gare d'Ardentes et sur l'abandon de la ligne Ardentes-Châteauroux depuis le 13 juin dernier.
Après une fermeture dans les années 80, la ligne ferroviaire Ardentes-Châteauroux avait été remise en service le 28 février 2001 pour être dédiée au transport du bois. Des travaux d'un montant de 3,5 millions de francs ont été engagés pour la réhabilitation de la voie, financés exclusivement par l'Europe, la région Centre et la communauté d'agglomération de Châteauroux - la CAC. Le site a ensuite été complété par un système d'arrosage pour la conservation des grumes, une unité de sciage et deux installations de valorisation des déchets. Ce projet a ainsi coûté 15 millions de francs, sans que la SNCF ait besoin de mettre un seul centime dans l'opération.
De plus, la convention signée entre Réseau ferré de France et la CAC prévoyait que l'entretien de la voie ainsi que les frais de fonctionnement seraient entièrement à la charge de la communauté d'agglomération castelroussine.
Or c'est bien la SNCF qui a annoncé le 13 mai dernier son intention de ne plus desservir la gare d'Ardentes, décision effective depuis le dimanche 13 juin. Pour la société nationale, il s'agit de maintenir ses offres tarifaires au prix du marché, en diminuant ses coûts de production. La SNCF a ainsi décidé de recentrer son activité fret sur le transport de céréales et d'engrais, plus rentable.
Cette fermeture fait peser de lourdes menaces sur l'activité de la filière bois, déjà mise à mal par les tempêtes de 1999. Non seulement les investissements réalisés par les entreprises de la filière sont loin d'avoir été rentabilisés, mais certains de leurs clients ne travaillant que par transport ferroviaire, ces entreprises risquent également de voir leur activité diminuer.
En outre, il est regrettable que le transport ferroviaire ne soit pas en mesure de constituer une solution alternative en matière de transport de bois. La fermeture de la liaison Ardentes-Châteauroux ne peut qu'augmenter la part du transport routier, si mal considéré par ailleurs.
Avec l'agence interdépartementale de l'Office national des forêts, je m'interroge sur le fait que des fonds publics aient pu être investis dans la réhabilitation et l'entretien d'une liaison ferroviaire, et que le propriétaire des voies puisse décider, sans concertation avec les pouvoirs publics, la fermeture de cette liaison. Je m'interroge aussi sur la sincérité de l'étude et des projections économiques élaborées en 2001 pour réactiver cette desserte ferroviaire. Je souligne que, dans la région d'Ardentes, la filière bois représente 3 000 emplois, dont plus de 10 % sur la seule commune d'Ardentes.
Quoi qu'il en soit, il apparaît aujourd'hui nécessaire de soutenir les entreprises, l'emploi et l'activité générés par la filière bois autour d'Ardentes. Quelles mesures l'Etat serait-il susceptible de mettre en oeuvre pour aller dans ce sens ? J'associe à ma question les parlementaires du département de l'Indre, notamment le secrétaire d'État à l'agriculture qui est aussi intervenu sur ce dossier.
Mme la présidente : La parole est à monsieur le secrétaire d'État aux transports et à la mer.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer : Monsieur le député, je suis désolé de la réponse que je vais vous apporter car elle part du constat d'une incohérence des politiques publiques menées depuis un certain nombre d'années.
On avait annoncé, il y a quelque temps - c'était en 1998 - que le fret ferroviaire devait doubler le volume transporté à l'horizon de dix ans. Il faut le savoir, ce fret voit ses parts de marché diminuer régulièrement depuis la deuxième guerre mondiale. Néanmoins, le tonnage transporté progressait - faiblement, certes. Or, après cette annonce, non seulement les parts de marché ont continué de régresser mais, en volume, le tonnage transporté a également diminué. Cela montre que l'annonce était strictement politique sans considération de la manière dont le fret ferroviaire était organisé, ou plutôt désorganisé, dans notre pays.
Aujourd'hui, le fret ferroviaire coûte, en déficit annuel d'exploitation, 450 millions d'euros à la SNCF. Et ce déficit s'accroît de 90 millions d'euros par an. Ces chiffres ont une conséquence : si nous n'avions pas pris la décision d'engager un plan fret, le fret ferroviaire aurait été tout simplement condamné. Cela signifie que la situation que vous dénoncez et qui a des conséquences négatives sur le transport du bois dans votre région - j'en suis bien conscient -, aurait été généralisée car il n'était plus question de continuer à gérer le fret ferroviaire dans ces conditions-là.
Le plan engagé, qui appelle un important concours des pouvoirs publics - 800 millions d'euros -, a cependant des conséquences négatives. Dans certains cas, il a l'effet paradoxal de nous conduire à remettre des camions sur la route. Mais, si nous n'avons pas le courage politique de réserver le fret ferroviaire aux trafics pour lesquels il est le plus pertinent, c'est, à terme, sa disparition pure et simple qui serait programmée.
Monsieur le député, je déplore qu'en 1998 on ait laissé les collectivités s'engager sans leur préciser qu'il y aurait, tôt ou tard, un sérieux problème pour ces liaisons à très faible trafic et pour lesquelles la perte est extrêmement importante. Aujourd'hui, nous n'avons d'autres solutions que de restreindre certaines offres et d'augmenter certains tarifs, avec des conséquences très négatives pour des secteurs économiques comme le bois. Mais le salut du fret ferroviaire est malheureusement à ce prix.
Cela étant, il convient d'examiner au cas par cas les solutions qui peuvent être apportées. Les instructions que nous avons données très récemment à la SNCF précisent qu'il convient de prendre en compte l'intégralité des préoccupations des clients et d'essayer de trouver des solutions transitoires. Ainsi, il faut étaler dans le temps les conséquences qui résultent de la mise en oeuvre du plan fret ferroviaire pour un certain nombre d'activités économiques et de régions.
S'agissant de la ligne que vous avez évoquée, dans l'Indre, nous allons très précisément regarder ce qui peut être fait. Je suis cependant obligé de vous dire que ces mesures douloureuses sont malheureusement nécessaires pour sauver l'existence du fret ferroviaire en France.
Mme la présidente : La parole est à monsieur Bernard Pousset.
M. Bernard Pousset : Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse qui, vous vous en doutez, ne me satisfait pas pleinement, car nous avons des emplois à défendre. Je regrette surtout le manque de concertation qui a précédé la décision de fermeture prise unilatéralement par la direction régionale de la SNCF. Soyez assuré que, si vous mettez en place une commission pour examiner les conditions dans lesquelles pourrait être pérennisé le transport du bois dans ma région, j'y participerai volontiers. Nous essaierons de trouver une solution.
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